Pouvoir adjudicateur – Définition et champ d’application L1211-1

Article L1211-1 du CCP - Définition des pouvoirs adjudicateursCode de la commande publique (Plan) >

Les pouvoirs adjudicateurs au sens du Code de la commande publique

Les pouvoirs adjudicateurs sont définis à article L. 1211-1 du code de la commande publique. Ils se déclinent en trois types : 1° Les personnes morales de droit public ; 2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ; 3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun.

Les pouvoirs adjudicateurs, personnes morales de droit public visés au 1° de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique sont, par exemple, l’État et ses établissements publics à caractère administratif comme à caractère industriel ou commercial, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

En parallèle certains pouvoir adjudicateurs sont qualifiés d’entités adjudicatrices qui appliquent des règles légèrement différentes.

Article L1211-1 du CCP – Définition des pouvoirs adjudicateurs

Les pouvoirs adjudicateurs sont :

1° Les personnes morales de droit public ;

2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :

a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;

c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ;

3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun.

Source : Légifrance (30/06/19)

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La notion de pouvoir adjudicateur en droit de la commande publique

Le pouvoir adjudicateur est l’acteur principal du droit de la commande publique. Il s’agit de l’entité qui passe les marchés publics et accorde les concessions.

La notion de pouvoir adjudicateur est définie à l’article L.1211-1 du code de la commande publique. Elle recouvre trois grandes catégories d’acteurs :

  • Les personnes morales de droit public (l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, etc.)
  • Les personnes morales de droit privé qui satisfont à certains critères
  • Les organismes de droit privé créés par des pouvoirs adjudicateurs

Il est nécessaire de préciser la notion de pouvoir adjudicateur et les critères permettant de déterminer si une entité relève ou non de cette catégorie.

  1. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit public
  2. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit privé
  3. Les organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs
  4. Les autres personnes privées

1. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit public

Les personnes morales de droit public qui sont considérées comme des pouvoirs adjudicateurs sont notamment :

  • L’État et ses établissements publics à caractère administratif ou commercial/industriel
  • Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) et leurs établissements publics
  • Certains établissements publics nationaux à caractère culturel, scientifique ou professionnel
  • Les établissements publics de santé
  • Les établissements consulaires (chambres de commerce, chambres des métiers, chambres d’agriculture)
  • Les groupements d’intérêt public (GIP)

L’appartenance au secteur public implique automatiquement la qualité de pouvoir adjudicateur, sans qu’il soit nécessaire de remplir d’autres conditions.

1.1 L’État et ses établissements publics

L’État lui-même, en tant que personne morale de droit public, est un pouvoir adjudicateur. Ses différentes composantes (services centraux, déconcentrés, autorités administratives indépendantes, etc.) sont considérées comme des unités opérationnelles distinctes, bien qu’elles ne disposent pas de la personnalité juridique.

Les établissements publics de l’État, qu’ils soient à caractère administratif ou industriel/commercial, sont également des pouvoirs adjudicateurs. Parmi les EPA, on peut citer :

  • Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) comme les universités ou grandes écoles
  • Les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le CNRS, l’Inria, etc.
  • Les établissements publics de santé (EPS)

1.2 Les collectivités territoriales et leurs établissements

Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) ainsi que leurs établissements publics, qu’ils soient à caractère administratif ou industriel/commercial, sont des pouvoirs adjudicateurs.

Sont notamment concernés les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les établissements publics locaux d’enseignement (collèges, lycées).

Les communes ayant fusionné au sein d’une commune nouvelle perdent leur personnalité juridique et ne sont plus considérées comme des pouvoirs adjudicateurs distincts.

1.3 L’outre-mer

Les collectivités d’outre-mer régies par le principe d’identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ainsi que celles sous le régime de l’article 74 de la Constitution (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon) sont des pouvoirs adjudicateurs soumis au code de la commande publique.

En revanche, les collectivités d’outre-mer régies par le principe de spécialité législative (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna) fixent leurs propres règles en matière de commande publique. Seuls l’État et ses établissements publics locaux y sont soumis au code.

2. Les pouvoirs adjudicateurs personnes morales de droit privé

Certains organismes de droit privé peuvent aussi être qualifiés de pouvoirs adjudicateurs s’ils remplissent 3 conditions cumulatives prévues à l’article L.1211-1 du code de la commande publique:

  1. Être chargé spécifiquement de satisfaire un intérêt général autre qu’industriel et commercial
  2. Être contrôlé par un pouvoir adjudicateur
  3. Être financé majoritairement par des fonds publics

Il s’agit d’une analyse au cas par cas. Le statut privé ou public au sens du droit interne n’est pas déterminant.

Par exemple, certaines associations régies par la loi de 1901 sont des pouvoirs adjudicateurs et par fois en même temps des opérateurs économiques.

2.1 L’objet social d’intérêt général autre qu’industriel et commercial

L’intérêt général s’apprécie de manière objective, sur la base de l’activité réellement exercée. Il n’est pas nécessaire qu’elle constitue l’objet exclusif de l’organisme.

L’activité ne doit pas être de nature industrielle/commerciale, ce qui s’apprécie en fonction de différents indices : conditions d’exercice, but lucratif ou non, prise en charge des pertes…

2.2 Le lien avec un pouvoir adjudicateur

Ce critère traduit une dépendance de l’organisme vis-à-vis d’un acheteur public. Il est rempli si :

  • L’activité est financée majoritairement par des fonds publics
  • La gestion est soumise à un contrôle actif d’un pouvoir adjudicateur
  • L’organe d’administration est composé majoritairement de membres publics

2.3 Les exemples jurisprudentiels

La jurisprudence a pu reconnaître comme pouvoirs adjudicateurs des organismes divers tels que des sociétés de radiodiffusion, des organisateurs de foires et salons ou des sociétés de pompes funèbres.

A contrario, elle a jugé qu’un ordre professionnel financé par des cotisations obligatoires ou qu’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), bien que rattaché à un établissement public, ne remplissaient pas les critères.

3. Les organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs

En vertu de l’article L.1211-1 du code de la commande publique, sont également des pouvoirs adjudicateurs les organismes de droit privé créés par un ou plusieurs acheteurs publics pour réaliser certaines activités en commun.

Il peut s’agir :

  • D’associations entre plusieurs personnes publiques
  • De sociétés publiques locales (SPL) régies par le code général des collectivités territoriales
  • De sociétés d’économie mixte (SEM) lorsqu’elles sont contrôlées par des personnes publiques

Dès lors qu’elles satisfont un besoin d’intérêt général autre qu’industriel et commercial, ces structures sont soumises aux règles de la commande publique.

4. Les autres personnes privées

En principe, les personnes privées ne sont pas soumises au code de la commande publique, sauf si :

  • Elles agissent en tant que mandataire d’un pouvoir adjudicateur
  • Elles participent à un groupement de commandes avec des acheteurs publics
  • L’association est considérée comme transparente par rapport à ses membres publics

Certaines règles spécifiques s’appliquent également aux personnes privées percevant plus de 50% de subventions publiques pour certains contrats.

Conclusion

La qualité de pouvoir adjudicateur s’apprécie donc de manière relativement large en englobant non seulement les personnes publiques mais aussi certains organismes privés. La jurisprudence analyse au cas par cas si les critères légaux sont remplis.

Il est essentiel pour une entité d’identifier si elle relève ou non de cette catégorie, ce qui emporte l’application d’un régime juridique spécifique en matière de commande publique.

Fiche DAJ 2019 – Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices

Fiche DAJ 2019 – Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices.

  1. Les pouvoirs adjudicateurs « personnes morales de droit public » (4)

Les personnes morales de droit public soumises au code sont, par exemple, l’État et ses établissements publics à caractère administratif comme à caractère industriel ou commercial, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

1.1 L’État et ses établissements publics

L’État (5), personne morale de droit public, est un pouvoir adjudicateur. Ses composantes, qu’il s’agisse de services centraux, de services à compétence nationale, de services déconcentrés ou des autres organismes de l’État qui, sans non plus posséder une personnalité juridique distincte (6), disposent d’une certaine autonomie, comme par exemple les autorités administratives indépendantes sont à considérer comme autant d’unités opérationnelles distinctes (7).

Sont également des pouvoirs adjudicateurs, du fait qu’il s’agit de personnes morales de droit public, les démembrements de l’État doués d’une personnalité juridique propre, à savoir :

– les établissements publics administratifs (EPA) ainsi que les établissements assimilés, reconnus par la jurisprudence comme une variété d’établissement public administratif :

  • les établissements publics à caractère culturel (EPCC) : les établissements publics de coopération culturelle, qui peuvent aussi être locaux ;
  • les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) : Collège de France, Conservatoire national des arts et métiers, École nationale supérieure d’arts et métiers, écoles normales supérieures, École centrale de Lyon, École des hautes études en sciences sociales, Institut national des langues et civilisations orientales, Muséum national d’histoire naturelle, Observatoire de Paris, Palais de la Découverte, centres universitaires, École centrale des arts et manufactures, Institut de physique du globe de Paris, Institut national des sciences appliquées, instituts nationaux polytechniques, etc. ;
  • les établissements publics à caractère scientifique et culturel (EPSC) : universités, instituts d’études politiques, Institut d’études politiques de Paris, École pratique des hautes études ;

De même, les marchés publics passés sur un territoire membre de l’Union européenne sont soumis à la directive européenne au même titre que les marchés publics passés sur le territoire français. Le droit de l’Union européenne relatif aux marchés publics, et notamment la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, s’applique sur l’ensemble du territoire des États membres de l’Union européenne, destinataires de la directive (article 94 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics).

En revanche, sauf décision des parties de s’y soumettre volontairement, le code de la commande publique ne s’applique pas aux marchés publics signés et exécutés à l’étranger par des acheteurs français (CE 4 juillet 2008, Société Colas Djibouti, req. n° 316028 : construction d’une trésorerie et restructuration du consulat général de France à Djibouti. CE 29 juin 2012, Société Pro 2C, n° 357976 : les lieux de signature et d’exécution constituent les seuls critères opérants (rappel de la jurisprudence du CE 3 juillet 1968, Lavigne et Le Mée, req. n° 68333, et de la circulaire du 3 mai 1998 relative à la passation des marchés publics à l’étranger). Le lieu de signature doit être entendu comme le lieu de signature par l’acheteur. Le lieu d’exécution des prestations objet du marché public permet quant à lui de déterminer si le marché public est exécuté en dehors du territoire français. Si la jurisprudence et la doctrine ne fournissent pas d’éléments permettant de cerner ce qu’il convient d’entendre comme « exécuté à l’étranger », on peut raisonnablement penser qu’il convient de prendre en compte le lieu d’exécution pour un contrat de travaux, le lieu du bénéficiaire de la prestation pour un contrat de services et le lieu de livraison pour un contrat de fournitures, à l’exclusion de toute autre considération).

Néanmoins, les principes fondamentaux de la commande publique de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, ainsi que les règles de transparence s’appliquent à ces marchés (CE 29 juin 2012, req. n° 357976, Société Pro 2C).

  • les établissements publics d’enseignement supérieur ;
  • les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) pour les achats qui ne sont pas directement liés à leurs activités de recherche : Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national d’études démographiques, Institut national de la recherche agronomique, Institut national de recherche en sciences et technologie pour l’environnement et l’agriculture, Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, Institut national de recherche en informatique et automatique, Institut français des sciences et technologie des transports, de l’aménagement et des réseaux, etc. ;
  • les établissements consulaires : chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) ; chambres d’agriculture (8) ;
  • les établissements publics de santé (EPS) qui, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 (modifiant l’article L. 6141-1 du code de la santé publique), sont considérés comme des établissements publics de l’État. Ces établissements restent toutefois soumis aux seuils applicables aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux (cf. article 2 du décret n° 2010-1177 du 5 octobre 2010 portant diverses dispositions relatives à la tarification des établissements de santé et aux marchés des établissements publics de santé) ;
  • de la même manière, tous les établissements publics à caractère administratif ayant dans leur statut une mission de recherche, parmi lesquels les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les établissements publics de coopération scientifique et les établissements à caractère scientifique et technologique, appliquent les règles du code de la commande publique.

– les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ;

– les groupements d’intérêt public (GIP) (9), qui sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative et financière et créées par voie contractuelle, soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé. Les GIP exercent une activité d’intérêt général à but non lucratif.

1.2 Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux

Les collectivités territoriales métropolitaines, qu’elles relèvent du droit commun (communes, départements, régions) ou qu’elles soient dotées d’un statut spécifique (communes de Paris, Lyon, Marseille ; communes d’Alsace-Moselle), sont autant de pouvoirs adjudicateurs du fait de leurs statuts de personnes morales de droit public.

Il convient de relever qu’une commune ayant fusionné avec une autre commune, quand bien même elle conserverait un statut de commune déléguée, perd sa personnalité juridique propre et n’a donc plus la qualité de pouvoir adjudicateur distinct (10).

Tous les établissements publics des collectivités territoriales sont, qu’ils revêtent un caractère administratif ou industriel ou commercial, des pouvoirs adjudicateurs. Le code s’applique aussi bien à ceux d’entre eux qui ont le statut d’établissement public territorial (structures de coopération intercommunale) qu’à ceux à caractère purement fonctionnel (ex. centres communaux d’action sociale). Il a en outre été jugé que les associations syndicales autorisées doivent être considérées comme des établissements publics rattachés aux collectivités territoriales (11).

Les établissements publics locaux sont soumis aux règles applicables à leur collectivité de rattachement. Dès lors qu’un article du code vise les collectivités territoriales, il s’applique également à leurs établissements publics.

Enfin, les établissements publics locaux d’enseignement (collèges, lycées d’enseignement général, technologique et professionnel et les établissements d’éducation spéciale) sont, en tant que personnes morales de droit public, des pouvoirs adjudicateurs.

1.3 L’outre-mer

En tant que personnes morales de droit public, les collectivités d’outre-mer sont des pouvoirs adjudicateurs. Toutefois, elles peuvent être soumises à des règles spécifiques. C’est le livre VI qui regroupe les dispositions propres aux collectivités et territoires d’outre-mer destinées à rendre applicable la deuxième partie du code de la commande publique dans ces territoires.

1.3.1 Dans les collectivités soumises au principe d’identité législative : article 73 de la Constitution

Le code de la commande publique s’applique aux régions et départements d’outre-mer que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte.

Aussi, il convient de signaler que les adaptations spécifiques des règles de la commande publique applicables à ces personnes publiques qui figuraient dans les précédents textes ont été reprises dans le code de la commande publique.

La détermination des conditions d’organisation de la maîtrise d’ouvrage et de répartition des attributions correspondantes en ce qui concerne les opérations d’aménagement réalisés sur le réseau routier national à la Guyane et sur les ouvrages d’infrastructures de transports à Mayotte (12) est aujourd’hui codifiée aux articles L. 2641-1 et R. 2614-1 à R. 2614-6 du code de la commande publique.

1.3.2 Dans les collectivités soumises au principe d’identité législative : article 74 de la Constitution

Le code de la commande publique s’applique aux collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon, compte tenu de la combinaison de lecture de l’article 74 de la Constitution et de leurs statuts organiques :

– Saint-Martin : articles LO 6313-1 et LO 6314-1 du code général des collectivités territoriales ;

– Saint-Barthélemy : articles LO 6213-1 et LO 6214-3 du code général des collectivités territoriales ;

– Saint-Pierre-et-Miquelon : articles LO 6413-1 et LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales.

1.3.3 Dans les collectivités soumises au principe de spécialité législative : article 74 de la Constitution

Le code de la commande publique s’applique aux services de l’État et à ses établissements publics situés dans les territoires de Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, de Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

En revanche, il ne régit pas les marchés publics et contrats de concession des collectivités d’outre-mer de Polynésie française, de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie, ces dernières étant soumises au régime de spécialité législative et d’autonomie en vertu de l’article 74 de la Constitution. Dans ces collectivités disposant de leur réglementation propre, il appartient en effet aux assemblées délibérantes de déterminer les règles applicables en la matière.

De la même manière que pour les précédentes collectivités citées, la codification des autres textes relatifs à la commande publique a des conséquences sur ces collectivités.

La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance avait été étendue en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (13), sans limitation aux seuls contrats passés par l’État et ses établissements publics, et à aux îles Wallis-et-Futuna (14) aux contrats passés par l’État et ses établissements publics. Désormais, le code de la commande publique étend pour ces trois collectivités l’ensemble des dispositions du titre II de la loi n° 75-1334 précitée en tant qu’elles concernent l’État et ses établissements publics. Par ailleurs, le même titre II de cette loi est étendu aux Terres australes et antarctiques françaises.

La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite loi « MOP) est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis-et-Futuna (15) aux marchés publics passés par l’État et ses établissements publics. Désormais, la codification de la loi MOP et de ses décrets d’application entraîne l’application de ces textes à l’ensemble de ces collectivités, pour les marchés de l’État et ses établissements publics. De même, ces textes, qui n’étaient pas applicables pour les TAAF, le sont désormais.

Les dispositions relatives à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis-et-Futuna. Elles sont codifiées aux articles L. 3351-1 pour les îles Wallis-et-Futuna, L. 3361-1 pour la Polynésie française et L. 3371-1 pour la Nouvelle- Calédonie. De même, ces dispositions relatives aux délais de paiement sont étendues dans les TAAF.

Ces quatre collectivités se voient également appliquées les dispositions relatives à la composition et au fonctionnement des comités consultatifs de règlement amiable (CCRA) (16) pour les litiges relatifs aux marchés publics passés par l’État et ses établissements publics.

Il en est de même pour les dispositions relatives aux recensements des marchés publics (17).

Enfin, les dispositions relatives à l’exécution des marchés publics par carte d’achat sont désormais applicables de plein droits pour ces quatre mêmes collectivités (18).

  1. Les pouvoirs adjudicateurs « personnes morales de droit privé poursuivant une mission d’intérêt général »

Pour qualifier une entité de pouvoir adjudicateur, les directives européennes relatives à la commande publique ne tiennent pas compte de la nature de la personne morale au sens du droit interne. En effet, le statut de la personne morale (publique ou privée) est indifférent pour la qualification d’organisme de droit public et donc de pouvoir adjudicateur au sens de ces directives (19). Ainsi, conformément aux dispositions du 2° de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique, sont des pouvoirs adjudicateurs les « personnes morales de droit privé » qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et dont :

« a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;

« b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;

« c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».

Seule une analyse au cas par cas permet de déterminer si ces acheteurs privés satisfont ou non aux critères énoncés. Le caractère cumulatif de trois critères fixé par les dispositions de la directive 2014/24/UE, repris dans le code, est affirmé par la CJUE (20).

Le fait que l’entité en cause ne soit pas référencée au sein des annexes I, II ou III de l’appendice I de l’accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l’accord OMC en ce qui concerne l’Union européenne ne signifie en aucun cas que cet organisme ne constitue pas un pouvoir adjudicateur.

2.1 Personnalité juridique

Ce critère ne pose pas difficulté (21). Dès lors que l’entité dispose de la personnalité juridique et qu’elle est dotée d’une capacité juridique, elle peut en principe conclure des contrats. Disposent ainsi de la personnalité juridique les sociétés, associations, groupements d’intérêt économiques, etc.

2.2 Objet social

Le critère selon lequel la personne morale doit avoir été « créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial » doit être interprété à la lumière de la jurisprudence de la CJUE qui en a retenu une acception large au regard du double objectif d’ouverture à la concurrence et de transparence.

Pour apprécier si des activités poursuivent un but d’intérêt général dépourvu de caractère industriel ou commercial, la CJUE fonde son analyse sur un faisceau d’indices liés aux circonstances ayant présidé à la création de la personne morale et aux conditions dans lesquelles elle exerce son activité (22).

2.2.1 S’agissant du terme « créé »

La CJUE a précisé (23) que « l’effet utile de la directive ne serait pas pleinement préservé si l’application du régime de la directive pouvait être exclue du seul fait que les tâches d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial que celle-ci accomplit en pratique ne lui ont pas été confiées dès sa création » (considérant 57) et qu’» une entité qui n’a pas été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, mais qui a par la suite pris en charge de tels besoins, dont elle assure depuis effectivement la satisfaction, remplit la condition pour pouvoir être qualifiée d’organisme de droit public, à condition que la prise en charge de la satisfaction de ces besoins puisse être constatée objectivement » (considérant 63).

Par conséquent, c’est l’activité effectivement exercée par la personne morale de droit privé qu’il convient de prendre en compte pour le qualifier ou non d’acheteur et non uniquement celle qui lui a été confiée à sa création.

2.2.2 S’agissant du terme « spécifiquement »

La condition selon laquelle la personne morale doit avoir été créé pour satisfaire « spécifiquement » des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, n’implique pas qu’elle soit « uniquement » ou « majoritairement » chargée de satisfaire de tels besoins.

Le fait que la satisfaction des besoins d’intérêt général ne constitue qu’une partie relativement peu importante des activités réellement entreprises par la personne morale est sans pertinence dès lors que cette dernière continue à se charger des besoins qu’elle est spécifiquement obligée de satisfaire (24).

2.2.3 S’agissant des termes « besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial »

2.2.3.1 La première question consiste à s’interroger sur le caractère d’intérêt général du besoin satisfait

La notion de « besoin d’intérêt général » est une notion autonome interprétée par la CJUE afin d’en assurer une application uniforme dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Ainsi, la Cour examine chaque cas afin de le qualifier ou non de besoin d’intérêt général. La législation nationale ne peut discrétionnairement décider que tel ou tel besoin est ou n’est pas d’intérêt général. À cet égard, la Cour juge qu’une activité répond à un besoin d’intérêt général lorsqu’elle profite à la collectivité et qu’une personne publique pourrait, à ce titre, la prendre en charge.

Exemples :

– La production de documents administratifs dont certains sont soumis au secret ou au respect de normes de sécurité est étroitement liée à l’ordre public et au fonctionnement institutionnel de l’État exigeant une garantie d’approvisionnement et le respect de normes de confidentialité et de sécurité (25).

– La Cour a reconnu que « les activités visant à l’organisation de foires, d’expositions et d’autres initiatives semblables satisfont à des besoins d’intérêt général. L’organisateur de telles manifestations n’agit pas seulement dans l’intérêt particulier de ces derniers mais il procure également aux consommateurs qui fréquentent ces manifestations une information permettant à ceux-ci d’effectuer leurs choix dans des conditions optimales. L’impulsion pour les échanges qui en résulte peut être considérée comme relevant de l’intérêt général » (26).

– Des activités mortuaires et de pompes funèbres sont considérées comme des activités répondant effectivement à un besoin d’intérêt général. De telles activités sont liées à l’ordre public dans la mesure où l’État a un intérêt manifeste à exercer un contrôle étroit sur l’établissement de certificats tels que les certificats de naissance ou de décès.

S’ajoutent à cela des motifs évidents d’hygiène et de santé publique. La Cour précise en outre que « la circonstance qu’une collectivité territoriale a l’obligation légale de prendre en charge les funérailles et, le cas échéant, d’en assumer les frais, […] constitue un indice de l’existence d’un tel besoin d’intérêt général » (27)

– Une activité qui consiste à acquérir des services de planification et de construction dans le cadre d’un projet immobilier portant sur la construction de plusieurs immeubles de bureaux et d’un immeuble de stationnement couvert, faisant suite à une décision de la ville de créer sur son territoire un pôle de développement technologique, est susceptible de répondre effectivement à un besoin d’intérêt général. En effet, la Cour a reconnu dans cette affaire que la défenderesse n’agissait pas seulement dans l’intérêt particulier des entreprises directement concernées par ledit projet, mais également dans celui de la ville qui souhaite se développer du point de vue économique et social. En outre, la Cour a précisé que l’intérêt général ne se mesure pas au nombre des utilisateurs directs d’une activité ou d’un service (28).

L’activité qui consiste à assumer l’exécution des programmes et actions prévus dans le plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires, aux fins de la mise en œuvre de la politique pénitentiaire de l’État espagnol, constitue une condition nécessaire à l’exercice du pouvoir répressif de l’État et est intrinsèquement liée à l’ordre public. Il s’agit donc d’une activité d’intérêt général (29).

A contrario, certaines personnes morales de droit privé, étroitement liées à des personnes morales de droit public, n’ont pour autant pas nécessairement la qualité de pouvoir adjudicateur. Ainsi, la chambre sociale de la cour de cassation a eu l’occasion de préciser (30) qu’eu égard à sa mission définie à l’article L. 4612-1 du code du travail, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, quand bien même il exerce sa mission au sein d’une personne morale visée audit article (31). En effet, contre le requérant qui présentait la mission du CHSCT comme concernant tous les travailleurs, la Cour a précisé que cette mission était de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure (32).

2.2.3.2 La deuxième question vise à déterminer si le besoin d’intérêt général a un caractère autre qu’industriel ou commercial

La Cour a précisé que « les besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial sont en règle générale satisfaits d’une manière autre que par l’offre de biens ou de services sur le marché. Il s’agit en général de besoins que, pour des raisons liées à l’intérêt général, l’État choisit de satisfaire lui-même ou à l’égard desquels il entend conserver une influence déterminante » (33).

Cette définition européenne est fondée sur la possibilité pour un État de décider de conserver une influence déterminante sur une activité jugée nécessaire dans la mesure où cette activité pourrait ne pas être entièrement satisfaite par les offres d’opérateurs entièrement privés.

Il ressort dès lors de la jurisprudence que l’absence de concurrence ne doit pas être considérée comme une condition sine qua non à la reconnaissance d’une personne morale de droit public puisque la notion de besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial n’exclut pas des besoins qui sont également satisfaits ou pourraient l’être par des entreprises privées (34). Cependant, l’existence d’une concurrence développée peut être un indice au soutien du fait qu’il ne s’agit pas d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.

La Cour a également souligné que d’autres facteurs devaient être pris en compte pour déterminer le caractère autre qu’industriel ou commercial du besoin, notamment les conditions dans lesquelles la personne morale exerce ses activités. En effet, si la personne morale opère dans des conditions normales de marché, poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à l’exercice de son activité, il est peu probable que les besoins qu’elle vise à satisfaire soient d’une nature autre qu’industrielle ou commerciale (35). Ainsi, pour reconnaître que l’intérêt général est autre qu’industriel ou commercial, il n’est pas exclu que les activités donnent lieu à la réalisation de bénéfices. Il importe en revanche que la recherche de tels bénéfices ne constitue pas l’objet principal de la personne morale (36).

En outre, le fait que le pouvoir adjudicateur auquel l’organisme est lié opère une recapitalisation de la personne morale dans le cas où celle-ci est déclarée en faillite ou réalise des pertes financières, est un indice du caractère autre qu’industriel ou commercial du besoin satisfait. La personne morale de droit privé ne se comporte pas comme un simple opérateur privé puisqu’elle n’assume pas l’intégralité des risques liés à son activité et qu’elle se laisse guider par des considérations autres que purement économiques.

Exemple d’intérêt général ayant un caractère commercial :

L’organisation de foires et d’expositions est une activité économique qui consiste à fournir des services aux exposants contre versement d’une contrepartie. Par son activité, l’entité satisfait des besoins de nature commerciale. Par conséquent, les activités visant à l’organisation de foires, d’expositions satisfont un besoin d’intérêt général ayant un caractère commercial. L’entité n’est dès lors pas qualifiée d’organisme de droit public (37).

2.3 Lien avec un pouvoir adjudicateur

Ce critère vise à constater l’existence d’une dépendance étroite de la personne morale de droit privé à l’égard d’un organisme soumis aux dispositions du droit de l’Union européenne en matière de marchés publics (38)

Ce troisième critère est satisfait dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

– soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public ;

– soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers ;

– soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

La Cour a eu l’occasion d’appliquer ce critère à un ordre professionnel, en estimant qu’» un ordre professionnel de droit public, ne remplit ni le critère relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics lorsque cet organisme est financé majoritairement par les cotisations payées par ses membres, dont la loi l’habilite à fixer et à percevoir le montant, dans le cas où cette loi ne détermine pas l’étendue et les modalités des actions que ledit organisme entreprend dans le cadre de l’accomplissement de ses missions légales, que ces cotisations sont destinées à financer, ni le critère relatif au contrôle de la gestion par les pouvoirs publics du seul fait que la décision par laquelle le même organisme fixe le montant desdites cotisations doit être approuvée par une autorité de tutelle » (39).

2.3.1 Financement majoritaire par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public

S’agissant de la notion de financement public, seuls les financements versés sans contrepartie spécifique aux activités de la personne morale de droit privé concernée peuvent être qualifiés de « financement public ». La Cour de justice a confirmé que « la notion de financement vise un transfert de moyens financiers opéré sans contrepartie spécifique, dans le but de soutenir les activités de l’entité concernée » (40). Ne constituent donc pas un financement public, au sens de la définition de l’organisme de droit public, les versements effectués en contrepartie de prestations de services. Les subventions sont notamment qualifiées de financement public par la Cour (41).

La notion de contrepartie spécifique est éclairée par les conclusions de l’Avocat général Alber dans le cadre de l’affaire University of Cambridge. Il considère que le financement public correspond à l’hypothèse où ce financement « a pour objet de promouvoir les tâches incombant à un organisme donné et de lui apporter une aide à cet égard ». Cela l’amène à considérer que constituent un financement public « les mesures sociales au profit de certains étudiants qui bénéficient dans ce cas d’une bourse pour couvrir les frais de scolarité » car il s’agit « d’une source sûre provenant de financements publics qui sont versés à l’université (…) sans contrepartie contractuelle » (42).

Sur le caractère « majoritaire » du financement public, la Cour précise que « le terme « majoritairement » doit être interprété comme signifiant « plus de la moitié ». [Pour un tel calcul], il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des revenus dont l’organisme bénéficie, y compris ceux qui résultent d’une activité commerciale. (…) L’exercice budgétaire au cours duquel la procédure de passation d’un marché déterminé est lancée doit être considéré comme la période la plus appropriée pour le calcul du mode de financement de cet organisme, étant entendu que ce calcul doit être effectué sur la base des chiffres disponibles au début de l’exercice budgétaire, fussent-ils de nature prévisionnelle » (43).

La Cour a jugé par exemple qu’il y a financement majoritaire par l’État lorsque les activités d’organismes de radiodiffusion publics sont financées majoritairement par une redevance mise à la charge des détenteurs d’un poste récepteur, qui est imposée, calculée et perçue suivant des règles exorbitantes du droit commun et sans contre-prestation spécifique (44).

2.3.2 Gestion soumise à un contrôle par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public

Le contrôle requis se caractérise par la capacité d’influencer les décisions de la personne morale de droit privé concernée. Ce doit être un contrôle actif. C’est pourquoi, l’hypothèse d’un simple contrôle a posteriori ne suffit pas à considérer que le critère du contrôle de gestion est satisfait (45).

La Cour a cependant nuancé sa position puisqu’elle précise, dans un arrêt relatif aux SAHLM, que dès lors que les règles de gestion sont très détaillées, la simple surveillance de leur respect peut, à elle seule, aboutir à conférer une emprise importante aux pouvoirs publics (46). Mais si la personne morale de droit privé jouit d’une autonomie organisationnelle et budgétaire et que le contrôle ne s’effectue qu’a posteriori, le juge considère qu’il y a absence de tutelle ou de contrôle sur cette personne (47).

Par conséquent, le contrôle de gestion peut éventuellement être a priori dès lors qu’il ne se résume pas à un simple contrôle de la régularité. Dans cette affaire, l’effectivité du contrôle de gestion était révélée par la possibilité pour le ministre de prononcer la dissolution de la SAHLM, de nommer un liquidateur, de suspendre les organes dirigeants et de nommer un administrateur provisoire, autant d’indices qui, selon la Cour, impliquent un contrôle permanent de la personne morale.

2.3.3 Organe d’administration, de direction ou de surveillance composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public

Ce dernier critère ne pose pas a priori de difficultés d’interprétation. La Cour a été amenée à le rechercher : « Quant à la troisième condition, il y a lieu de constater que le directeur général de l’ÖS est nommé par un organe composé en majorité des membres nommés par la Chancellerie fédérale ou différents ministères. De plus, elle est soumise au contrôle de la Cour des comptes et un office de contrôle étatique est chargé de veiller aux imprimés soumis à un régime de sécurité. Enfin, selon les déclarations faites à l’audience par la SRG, la majorité des actions de l’ÖS restent dans les mains de l’État autrichien » (48).

  1. Les pouvoirs adjudicateurs « organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs »

Le code de la commande publique s’applique aux organismes de droit privé qui ont été constitués par des pouvoirs adjudicateurs dans l’objectif de réaliser certaines activités en commun (49). On peut notamment y rassembler les groupements et associations formés par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou un ou plusieurs organismes de droit public.

À titre d’illustration, les sociétés publiques locales (SPL) peuvent être qualifiées de pouvoirs adjudicateurs au sens du code. En application de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, ces dernières et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des SPL dont ils détiennent la totalité du capital. Ces SPL doivent prendre la forme d’une société anonyme et sont « compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général ». Les SPL sont donc des personnes morales de droit privé, dont le capital est exclusivement détenu par des acheteurs au sens du code, ce qui se traduira par un contrôle de ces acheteurs sur cette structure et la désignation, par eux, des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance. En conséquence, lorsqu’elles sont créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, les SPL sont soumises aux règles fixées par le code (50).

  1. Les autres personnes privées

En principe, les personnes privées, qui ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices (51), ne relèvent pas du champ d’application du code de la commande publique. Néanmoins, il en va autrement :

– lorsqu’une personne privée agit comme mandataire d’un acheteur ou d’une autorité concédante soumise au code, elle doit, pour les contrats passés en exécution de ce mandat, respecter les dispositions du code (52). Les conventions de mandat sont elles-mêmes soumises au code (53) ;

– les personnes morales de droit privé qui participent à un groupement de commandes avec des personnes publiques soumises au code doivent, pour leurs achats effectués dans le cadre du groupement, appliquer les règles prévues par le code de la commande publique (54) ;

– enfin, lorsqu’une association se révèle transparente, compte tenu de son mode de contrôle et de ses ressources (55), elle doit appliquer les règles des marchés applicables à la personne publique dont elle relève (56).

Enfin, l’attention des pouvoirs adjudicateurs est attirée sur un cas particulier. En application de l’article L. 2100-2 du code de la commande publique, les contrats passés par des personnes de droit privé qui ne sont pas des acheteurs mentionnés à l’article L. 1210-1 et qui sont subventionnés directement à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur, sont soumis aux dispositions de la deuxième partie du code applicables aux pouvoirs adjudicateurs, à l’exception à l’exception des chapitres Ier à III et du chapitre VI du titre IX du présent livre, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° La valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens ;

2° L’objet du contrat correspond à l’une des activités suivantes :

  1. a) Des activités de génie civil figurant sur la liste travaux dont la liste est publiée au Journal officiel de la République française et mentionnée au 1° de l’article L. 1111-2 du code ;
  2. b) Des travaux de construction relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires ainsi qu’aux bâtiments à usage administratif ;
  3. c) Des prestations de services liés aux travaux mentionnés au présent article.

Toutefois, par dérogation à l’article L. 2113-10 du code, ces contrats ne sont pas soumis à l’obligation d’allotissement.

Le pouvoir adjudicateur qui octroie des subventions dans les conditions listées supra est chargé de veiller au respect des dispositions des livres I, II, III et V de la deuxième partie du code.

Références :

(1) Article 2 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

(2) Articles 3 et 4 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

(3) Article L. 1210-1 du code de la commande publique : à ces acteurs, il convient d’ajouter les opérateurs économiques, candidats et soumissionnaires.

(4) Il convient de noter que les marchés publics signés en France par les personnes morales de droit public et exécutés matériellement à l’étranger sont soumis à la loi française et donc au code de la commande publique.

De même, les marchés publics passés sur un territoire membre de l’Union européenne sont soumis à la directive européenne au même titre que les marchés publics passés sur le territoire français. Le droit de l’Union européenne relatif aux marchés publics, et notamment la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, s’applique sur l’ensemble du territoire des États membres de l’Union européenne, destinataires de la directive (article 94 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics).

En revanche, sauf décision des parties de s’y soumettre volontairement, le code de la commande publique ne s’applique pas aux marchés publics signés et exécutés à l’étranger par des acheteurs français (CE, 4 juillet 2008, Société Colas Djibouti, n° 316028 : construction d’une trésorerie et restructuration du consulat général de France à Djibouti. CE, 29 juin 2012, Société Pro 2C, n° 357976 : les lieux de signature et d’exécution constituent les seuls critères opérants (rappel de la jurisprudence du CE, 3 juillet 1968, Lavigne et Le Mée, n° 68333, et de la circulaire du 3 mai 1998 relative à la passation des marchés publics à l’étranger). Le lieu de signature doit être entendu comme le lieu de signature par l’acheteur. Le lieu d’exécution des prestations objet du marché public permet quant à lui de déterminer si le marché public est exécuté en dehors du territoire français. Si la jurisprudence et la doctrine ne fournissent pas d’éléments permettant de cerner ce qu’il convient d’entendre comme « exécuté à l’étranger », on peut raisonnablement penser qu’il convient de prendre en compte le lieu d’exécution pour un contrat de travaux, le lieu du bénéficiaire de la prestation pour un contrat de services et le lieu de livraison pour un contrat de fournitures, à l’exclusion de toute autre considération).

Néanmoins, les principes fondamentaux de la commande publique de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, ainsi que les règles de transparence s’appliquent à ces marchés (CE, 29 juin 2012, Société Pro 2C, n° 357976).

(5) Sur la notion d’État, voir CJUE 17 septembre 1998, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, aff. C-323/96, pts. 27 à 29.

(6) CE 30 décembre 2013, req. n° 358826, à propos du Conseil économique, social et environnemental.

(7) Au sens de l’article R. 2121-2 du code, sans que cette qualification ait forcément pour corollaire une autonomie de gestion de ses marchés justifiant une estimation de la valeur des besoins séparée au niveau de ladite unité.

(8) CE 13 janvier 1995, Chambre de commerce et d’industrie de la Vienne, req. n° 68117 — CE 9 décembre 1987, Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, req. n° 70836.

(9) Pour plus d’informations, voir le chapitre II « Dispositions relatives au statut des groupements d’intérêt public » de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ainsi que le décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêt public.

(10) CE Avis, 4 novembre 2013, req. n° 369356 et a. — CE 11 mai 2011, Société Lyonnaise des eaux France, req. n° 337927.

(11) CE 13 septembre 1995, Favier, req. n° 125018.

(12) Voir l’avant-dernier alinéa de l’article 19 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite loi « MOP) et le décret n° 2002-381 du 19 mars 2002 pris en son application.

(13) Article 15-3 de loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

(14) Article 15-4 de loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

(15) Article 29-1 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

(16) Décret n° 2010-1525 du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics.

(17) Décret n° 2006-1071 du 28 août 2006 relatif au recensement des marchés publics et de certains contrats soumis à des obligations de mise en concurrence.

(18) Décret n° 2004-1144 du 26 octobre 2004 relatif à l’exécution des marchés publics par carte d’achat.

(19) CJUE 15 mai 2003, Commission contre royaume d’Espagne, aff. C-214/00, pts. 55 à 57 — CJCE 13 janvier 2005, Commission contre royaume d’Espagne, aff. C-84/03, pts. 27 et 28.

(20) CJCE 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria AG e.a., aff. C-44/96, pt. 21 et 39. Voir également CJCE 10 novembre 1998, BFI Holding BV, aff. C-360/96, pt. 29 et CJCE 10 mai 2001, Agorà SRL, aff. C-223/99 et a., pt. 26.

(21) Le juge du droit de l’Union européenne opère une lecture européenne de la notion de personnalité juridique : TPI 4 juin 2013, Elitaliana SpA contre Eulex Kosovo, aff. T-213/12, pts. 26 et 37.

(22) CJCE 16 octobre 2003, Commission contre Royaume d’Espagne, aff. C-283/00, pt. 81.

23) CJCE 12 décembre 2002, Universale-Bau AG, aff. C-470/99.

(24) CJCE 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria AG e.a, aff. C-44/96, pts. 25 et 26. Sur la conséquence de la présence d’entreprises ayant des activités commerciales au sein du même groupe que l’organisme de droit public : CJCE 10 novembre 1998, Gemeente Arnhem et Gemeente Rheden c/ BFI Holding BV, aff. C-360/96, pts. 56 et 57. Voir également CJUE 5 octobre 2017, « LitSpecMet » UAB contre « Vilniaus lokomotyvų remonto depas » UAB, aff. C-567/15, pts 40 et 41.

(25) CJCE 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria AG e.a., aff. C-44/96, pts. 22 à 24.

(26) CJCE 10 mai 2001, Agorà Srl, aff. C-223/99 et a., pts. 33 et 34.

(27) CJCE 27 février 2003, Adolf Truley, aff. C-373/00, pts. 51 à 53 et 66.

(28) CJCE 22 mai 2003, Arkkitehtuuritoimisto Riittta Korhonen Oy, aff. C-18/01, pts. 41 à 45, 61 et 62.

(29) CJCE 16 octobre 2003, Commission contre Royaume d’Espagne, aff. C-283/00, pts. 84 à 86.

(30) Cass. Soc. 28 mars 2018, CHSCT du centre hospitalier de Chartres, req. n° 16-29106 et CAA de Marseille, 7 mai 2018, req. n° 17MA02615.

(31) Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-29106. Était aussi invoqué par l’établissement public hospitalier demandeur le fait que les ressources financières du CHSCT étant apportées par l’employeur, le critère du financement majoritaire objet du point 2.3.1 de la présente fiche aurait été rempli.

(32) Soit non pas un intérêt général mais l’intérêt particulier d’un groupe de salariés reconnu par la loi.

(33) CJCE 10 novembre 1998, Gemeente Arnhem et Gemeente Rheden contre BFI Holding BV, aff. C-360/96, pts. 50 et 51.

(34) CJCE, 10 avril 2008, Ing. Aigner, Aff. C-393/06.

(35) CJCE, 16 octobre 2003, Commission contre Espagne, Aff. C-283/00, points 81 et 82.CJCE 22 mai 2003, Riitta Korhonen Oy, aff. C-18/01, pts. 54.

(36) CJCE, 22 mai 2003, Riitta Korhonen Oy, Aff. C-18/01, pts. 54.

(37) CJCE, 10 mai 2001, Agorà Srl et Excelsior Snc di Pedrotti Bruna & C. contre Ente Autonomo Fiera Internazionale di Milano et Ciftat Soc. coop. arl., Aff. C-223/99 et C-260/99, pts 33 et 34.

(38) CJCE, 3 octobre 2000, The Queen contre H.M. Treasury ex parte : University of Cambridge, Aff. C-380/98, pt. 20.

(39) CJUE, 12 septembre 2013, IVD GmbH & Co. KG, Aff. C-526/11, pt. 31,

(40) CJUE, 12 septembre 2013, IVD GmbH & Co. KG, Aff. C-526/11, pt. 22.

(41) Ibid. pts. 21 et 26.

(42) Pts. 44 à 50 des conclusions de l’affaire University of Cambridge, Aff. C-380/98.

(43) CJCE, 3 octobre 2000, The Queen contre H.M. Treasury ex parte : University of Cambridge, Aff. C-380/98, pts. 33, 36 et 44.

(44) CJUE, 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk, Aff. C-337/06.

(45) CJCE, 27 février 2003, Adolf Truley, Aff. C-373/00, pts. 70 à 73.

(46) CJCE, 1er février 2001, Commission contre République française, Aff. C-237/99, pt. 52.

(47) CJCE, 12 septembre 2013, IVD GmbH & Co. KG, Aff. C-526/11, pt. 30.

(48) CJUE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria AG e.a. / Strohal Rotationsdruck GesmbH, Aff. C-44/96, pt 28.

(49) 3° de l’article L.1211-1 du code de la commande publique.

(50) En ce sens, voir Conseil d’État, Guide des outils d’action économique, Famille « entreprises et participations publiques », 16. Sociétés locales à statut spécifique, p. 8.

(51) Ainsi, les organismes de sécurité sociale, s’ils constituent, pour les caisses locales, des personnes morales de droit privé, sont des pouvoirs adjudicateurs car ils remplissent les conditions du 2° de l’article L.1211-1 du code de la commande publique. Les organismes de sécurité sociale appliquent les dispositions du code de la commande publique, en vertu de l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale et de l’arrêté du 19 juillet 2018 portant règlementation sur les marchés publics des organismes de sécurité sociale.

(52) CE, Ass., 5 mars 2003, Union nationale des services publics industriels et commerciaux, n° 233372..

(53)  CE 28 juillet 1995, Préfet d’Île-de-France contre société de gérance Jeanne d’Arc, req. n° 143438.

(54) Voir en ce sens la fiche technique consacrée à la « mutualisation des achats » ; voir également l’alinéa 2 de l’article L. 2113-6 du code de la commande publique.

(55) La jurisprudence considère que « lorsqu’une personne privée est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente » : CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, req. n° 281796 — Cass. crim., 7 novembre 2012, n° 11-82961.

(56) Dans cette hypothèse, il convient de prendre garde au risque d’une éventuelle gestion de fait, soumise à l’appréciation du juge des comptes.