Signature électronique du marché et charge de la preuve

Signature du marché Articles R2182-1 à R2182-3 du CCP

Signature du marché CCP

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Signature électronique dans les marchés publics : la charge de la preuve au cœur des contentieux

Dans un arrêt du 17 octobre 2016 (CE, 17 octobre 2016, Ministre de la défense c/ Société Tribord, n°400791), le Conseil d’État apporte d’utiles clarifications sur la charge de la preuve en cas de contestation de la validité de la signature électronique des offres. Analyse d’une décision aux implications concrètes pour les acheteurs publics.

Le contexte factuel et procédural

Un ministère lance un appel d’offres pour un marché de gestion de déchets sous l’empire du Code des marchés publics de 2006. La société Tribord répond et dépose son offre par voie électronique. Le pouvoir adjudicateur rejette cette offre au motif qu’elle n’est pas signée.

Tribord saisit le juge et demande ensuite l’annulation du contrat.

L’argumentation nouvelle du ministère

Alors qu’il avait invoqué initialement l’absence de signature, le ministère fait valoir devant le juge qu’il n’a pu vérifier la validité de la signature électronique. Il impute ce dysfonctionnement à la société Tribord.

Le Conseil d’État estime que l’entreprise a respecté la procédure de signature électronique

Le Conseil d’État écarte cette argumentation. Il souligne que Tribord a respecté la procédure de signature électronique prévue par l’arrêté du 15 juin 2012 pris en application de l’article 56 du Code des marchés publics de 2006. Rien n’établit que l’impossibilité de vérification vienne d’une erreur qui lui serait imputable.

Sur ce point délicat de la preuve de la validité de la signature, le Conseil d’État fait primer la protection des entreprises candidates. En cas de contestation, il appartient à l’acheteur public d’apporter la preuve du bon fonctionnement de sa plateforme de dématérialisation.

[…] que la société Tribord avait respecté la procédure prévue par l’arrêté ministériel du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés et par le règlement de consultation du marché et qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de vérifier la signature électronique proviendrait d’une erreur commise par la société requérante ; qu’en formant sa conviction sur ce point, dans les circonstances de l’espèce, au vu des résultats de l’instruction, le juge des référés n’a pas fait peser la charge de la preuve de l’irrégularité de la signature électronique sur le ministre de la défense et n’a, ainsi, commis aucune erreur de droit ; que le ministre ne peut se prévaloir, pour la première fois en cassation, de nouveaux éléments tendant à établir que le dysfonctionnement serait imputable à la société Tribord.

Une solution équilibrée

Cette jurisprudence marque un tournant dans le contentieux de la passation dématérialisée des marchés publics. Elle instaure un partage équilibré des responsabilités entre acheteurs et soumissionnaires concernant la charge de la preuve.

Le Conseil d’État évite de faire peser sur les entreprises candidates les risques liés à d’éventuels dysfonctionnements techniques du système de signature électronique mis en place par l’acheteur.

Cette décision apparaît comme un gage d’équilibre et de sécurité juridique pour les acteurs de la commande publique.

Voir également : Offres dématérialisées : l’acheteur responsable en cas de dysfonctionnement (CE, n° 449250, 23 septembre 2021, RATP).